La réalisation d’un trou ou d’une entaille dans un élément en bois induit un changement soudain de la section transversale, qui influence significativement l’état de contrainte et peut entraîner une réduction considérable de la résistance de l’élément. Le flux des contraintes normales parallèles au fil et des contraintes de cisaillement est perturbé. L’état de contrainte local se caractérise alors par des contraintes de cisaillement et des contraintes de traction perpendiculaires au fil concentrées à proximité du trou ou de l’entaille. Cette situation de contrainte peut entraîner l’apparition de fissures en cas de charges externes relativement faibles et la propagation des fissures dans le sens du fil, généralement dans un mode très fragile. En ce qui concerne les autres applications impliquant des types de charges similaires, des essais expérimentaux ont démontré que la résistance des poutres entaillées et des poutres trouées dépendait largement des dimensions de la poutre.

Les critères de calcul relatifs aux poutres non renforcées entaillées en extrémité ou trouées sont respectivement définis dans la Section 5.1 et dans la Section 5.3. La réalisation d’entailles sur le côté tendu est déconseillée, à moins que la poutre soit correctement renforcée. En raison de l’importante réduction de résistance qui affecte généralement les poutres entaillées ou trouées, il est conseillé de prévoir certains types de renforcement. Le renforcement des poutres entaillées en extrémité est abordé dans la Section 5.2 et celui des poutres trouées dans la Section 5.4. 

5.1. POUTRES ENTAILLEES EN EXTREMITE

Les entailles réalisées aux extrémités des poutres doivent être traitées avec beaucoup de précautions lors de la conception, car même une entaille de petite taille peut constituer le point de départ d’une fissure et entraîner une réduction considérable de la capacité résistante. Dans le cas d’une poutre dont le sens longitudinal coïncide avec le sens du fil, la réalisation d’une entaille en extrémité sur le côté tendu induit des contraintes de cisaillement et des contraintes de traction perpendiculaires au fil concentrées, qui, conformément à la théorie de l’élasticité linéaire, tendent vers l’infini au niveau du coin d’une entaille à angle droit. Le mode de rupture est généralement de type très fragile ; il se caractérise par l’apparition d’une fissure au coin de l’entaille et une propagation dans le sens du fil. Une entaille en extrémité sur le côté comprimé entraîne une réduction moins importante de la capacité résistante qu’une entaille en extrémité sur le côté tendu.

Lorsque la réalisation d’entailles est inévitable, et à moins qu’elles soient situées sur le côté tendu, elles doivent de préférence être effilées ou se voir attribuer un rayon d’angle d’au moins 25 mm. Les entailles dont la taille dépasse 0,5.h ou 500 mm ne doivent pas être réalisées sans renforcement. Les structures qui présentent un risque de variation importante de la teneur en humidité doivent faire l’objet d’une attention particulière. Toutes les surfaces d’une entaille doivent être traitées.

Il est possible de vérifier la capacité résistante d’une poutre non renforcée entaillée en extrémité en suivant la méthode suivante, fournie dans l’Eurocode 5, et les notations utilisées dans la Figure 5.1. La méthode en question repose sur une analyse de la mécanique de la rupture en cas d’entailles à angles droits développée par Gustafsson (1988). Bien que le critère de dimensionnement soit formellement considéré comme une comparaison entre une contrainte de cisaillement nominale et une résistance au cisaillement réduite, l’action de la contrainte de traction perpendiculaire au fil et de la contrainte de cisaillement est implicitement prise en compte. Les propriétés matérielles décisives dans l’approche de la mécanique de la rupture sont l’énergie de rupture en traction perpendiculaire au fil, la rigidité dans le sens longitudinal de la poutre et la rigidité au cisaillement. Ces paramètres sont inclus dans l’équation de dimensionnement à travers le coefficient kv par l’intermédiaire d’hypothèses sur leurs relations avec la résistance au cisaillement fv. Le terme de modification relatif à l’inclinaison de l’entaille i a été ajouté à l’équation originale de la mécanique de la rupture, qui repose sur des essais expérimentaux de poutres présentant des entailles effilées développés par Riberholt et al. (1992). Dans le cas d’une poutre de section rectangulaire dont le sens longitudinal coïncide avec le sens du fil, il convient de satisfaire le critère suivant :

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où, pour les poutres avec une entaille sur le côté comprimé, kv = 1,0, alors que pour les poutres avec une entaille sur le côté tendu 

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et où

V correspond à la force de cisaillement

b correspond à la largeur de la poutre

h, hef correspondent respectivement à la hauteur totale de la poutre et à la hauteur utile de la poutre, en mm

x correspond à la distance entre la ligne d’action de la réaction d’appui et le coin de l’entaille, en mm

i correspond à l’inclinaison de l’entaille, cf. Figure 5.1.

α = hef/h correspond au rapport entre la hauteur utile de la poutre et sa hauteur totale kn = 6,5 pour le bois lamellé-collé (4,5 pour le LVL et 5,0 pour le bois massif)

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Figure 5.1. Notation pour la conception de poutres entaillées en extrémité conformément à l’Eurocode 5.

5.2. RENFORCEMENT DES POUTRES ENTAILLEES EN EXTREMITE

Il est possible d’attribuer un système de renforcement interne ou externe aux poutres entaillées en extrémité afin d’accroître leur capacité. Le renforcement interne peut prendre la forme de goujons filetés collés, de barres d’armature en béton collées ou de vis entièrement filetées. Le renforcement externe peut consister en des panneaux collés (lamibois ou contreplaqué, par exemple), en des lamelles collées ou en des connecteurs à plaque métallique emboutie. Cette section décrit les approches de calcul relatives au renforcement externe et interne des poutres de section rectangulaire présentant une entaille rectangulaire (i = 0, cf. Figure 5.1) en fonction de l’Annexe Nationale allemande de l’Eurocode 5 (DIN EN 1995-1-1/NA). L’idée fondamentale est que le renforcement doit être conçu de façon à résister à l’intégralité de la résultante des contraintes de traction perpendiculaire au fil critiques le long du potentiel plan de fissure partant du coin de l’entaille. La résistance à la traction perpendiculaire au fil de la poutre n’est pas prise en compte. La résultante de la force de traction perpendiculaire au fil Ft,90 est déterminée à partir de l’intégration des contraintes de cisaillement de la théorie des poutres sous la profondeur de l’entaille, comme indiqué dans la Figure 5.2. Un coefficient de modification de 1,3 est appliqué pour tenir compte de la différence entre les hypothèses de la théorie des poutres et le comportement réel, ce qui donne l’expression suivante concernant la résultante de la force de traction : 

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où V correspond à la force de cisaillement et α = hef/h. L’utilisation du coefficient de modification 1,3 donne des valeurs suffisamment précises pour x ≤ hef/3. Pour les valeurs plus importantes de x, l’expression (5.3) peut donner des valeurs non conservatrices de Ft,90. L’intégralité de la force de cisaillement V peut alors être rattachée à Ft,90.

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Figure 5.2. Représentation schématique de la répartition des contraintes au coin d’une entaille et de la résultante de la force
de traction Ft,90.

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Figure 5.3. Notation concernant le renforcement interne (1) et externe (2) des poutres entaillées en extrémité (DIN EN 1995- 1-1NA).

5.2.1. Renforcement interne des poutres entaillées en extrémité

Dans le cas des goujons collés, il convient de vérifier que la contrainte τef dans le plan de collage (cylindre), considérée comme étant répartie de façon uniforme, satisfait l’expression suivante :

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Ft,90 correspond à la résultante des contraintes de traction perpendiculaire au fil, cf. (5.3)

n correspond au nombre de goujons, seule une file dans le sens longitudinal de la poutre pouvant être considérée comme active

dr correspond au diamètre extérieur de filetage de l’élément de renforcement interne, dr ≤ 20 mm

lad correspond à la longueur efficace d’ancrage, cf. Figure 5.3

fk,1,k correspond à la résistance au cisaillement du plan de collage, cf. Tableau 5.1 pour connaître les valeurs caractéristiques de fk,1,k

Tableau 5.1. Résistance caractéristique au cisaillement du plan de collage lorsque des goujons collés sont utilisés pour le renforcement. Il est possible d’utiliser ces valeurs si le système de colle s’est avéré applicable (DIN EN 1995-1-1/NA). 

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La résistance à la traction axiale des goujons métalliques doit également être vérifiée selon les règles de l’Eurocode 3.

Cette approche n’est applicable que si le système de colle ne présente pas de modes de rupture à l’interface colle/goujons ou dans le joint de colle.

Seule une file de goujons métalliques dans le sens longitudinal de la poutre doit être considérée comme étant l’élément de renforcement. La longueur minimale de chaque goujon métallique est de 2lad et le diamètre extérieur de filetage est limité à dr ≤ 20 mm. Les distances de rive et l’espacement des éléments de renforcement doivent être tels que 3 dr ≤ a2 et 2,5 dr ≤ a3,c ≤ 4 dr et 2,5 dr ≤ a4,c selon la notation utilisée dans la Figure 5.3. Étant donné que la contrainte de traction perpendiculaire au fil se concentre largement à proximité du coin de l’entaille, la distance de rive a3,c doit être la plus faible possible tout en respectant la distance de rive minimale requise. Dans le cas des éléments sollicités en traction parallèle au fil, il convient de tenir compte de la réduction de l’aire de la section transversale résiduelle due au renforcement interne. Il est également possible d’utiliser des vis entièrement filetées comme éléments de renforcement interne ; elles doivent alors être conçues pour la force de traction Ft,90 concernant la résistance à l’arrachement et à la traction axiale.

Outre la vérification de la résistance du renforcement interne, il convient de vérifier la contrainte de cisaillement de la section résiduelle selon l’Éq. (5.1), avec kv = 1,0. Une attention spécifique doit également être accordée aux concentrations de contraintes de cisaillement au coin de l’entaille lorsqu’un élément de renforcement interne est utilisé. 

5.2.2. Renforcement externe des poutres entaillées en extrémité

Dans le cas des panneaux collés, il convient de vérifier que la contrainte τef dans le plan de collage, considérée comme étant répartie de façon uniforme, satisfait l’expression suivante :

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Ft,90 correspond à la résultante des contraintes de traction perpendiculaire au fil, cf. (5.3)

h, hef correspondent respectivement à la hauteur totale de la poutre et à la hauteur utile de la poutre, cf. Figure 5.3

lr correspond à la largeur des panneaux de renforcement, cf. Figure 5.3 

fk,2 correspond à la résistance au cisaillement du plan de collage. Selon la norme DIN EN 1995:1-1-1/NA, la valeur caractéristique de fk,2,k est de 0,75 MPa pour les systèmes de colle qui se sont avérés applicables.

La contrainte de traction σt dans les panneaux doit satisfaire l’expression suivante :  

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Ft,90 correspond à la résultante des contraintes de traction perpendiculaire au fil, cf. (5.3)

tr correspond à l’épaisseur d’un panneau de renforcement, cf. Figure 5.3

lr correspond à la largeur des panneaux de renforcement, cf. Figure 5.3

ft correspond à la résistance à la traction du panneau de renforcement dans la direction de Ft,90

kk est un coefficient qui tient compte de la répartition non uniforme des contraintes. Selon la norme DIN EN 1995:1-1-1/NA, kk peut être égal à 2,0 sans qu’aucune autre vérification ne soit requise.

Les panneaux de renforcement doivent être collés sur les deux côtés de l’élément conformément à la Figure 5.3, la largeur des panneaux étant limitée à 0,25 ≤ lr/(h-hef) ≤ 0,5 et leur épaisseur à tr ≥ 10 mm. Il convient d’assurer une pression suffisante au moment du collage, à l’aide par exemple de pointes ou de vis filetées selon une longueur d’ancrage et un espacement appropriés. Des connecteurs à plaque métallique emboutie peuvent également être utilisés comme renforcement externe. Ils doivent être conçus conformément aux recommandations données ci-dessus.

Outre la vérification de la résistance du renforcement externe, il convient de vérifier la contrainte de cisaillement de la section résiduelle selon l’Éq. (5.1), avec kv = 1,0. La résistance relative aux concentrations de contraintes de cisaillement au coin de l’entaille peut être estimée suffisante lorsqu’un élément de renforcement externe conçu conformément aux précédentes recommandations est utilisé.  

5.2.3. Poutres trouées

Il est préférable d’éviter de pratiquer des trous dans les éléments. La réalisation d’un trou provoque un changement soudain de la section transversale qui empêche la circulation des forces dans la poutre et entraîne généralement une réduction considérable de sa résistance. Dans le cas d’une poutre sollicitée en flexion dont le sens longitudinal coïncide avec le sens du fil, le flux des contraintes de cisaillement et des contraintes normales parallèles au fil est perturbé ; elles sont remplacées par des contraintes de cisaillement et des contraintes de traction perpendiculaires au fil concentrées à proximité du trou. Ces contraintes concentrées apparaissent également dans le cas des éléments soumis à une compression ou traction axiale. L’amplitude et la répartition des champs de contraintes défavorables dépendent de nombreux paramètres, tels que le type de charge, la forme du trou, sa taille et son emplacement par rapport à la hauteur de la poutre. La Figure 5.4 illustre sous forme de schémas la répartition des contraintes de traction perpendiculaires au fil dans le cas d’une poutre comportant un trou circulaire dans différentes situations de charges. Le mode de rupture associé (apparition d’une fissure à la périphérie du trou et propagation dans le sens de la poutre) est généralement de type très fragile. 

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Figure 5.4. Représentations schématiques de la répartition des contraintes de traction perpendiculaires au fil ; trou situé dans une zone dominée par la force de cisaillement (à gauche), flexion pure (au milieu) et élément chargé axialement (à droite).

Si la réalisation de trous est inévitable, il convient de suivre certaines recommandations concernant la forme et l’emplacement des trous. Les trous, en particulier ceux situés dans une zone dominée par un moment de flexion, doivent de préférence être pratiqués au niveau de l’axe neutre de la poutre. Les trous circulaires sont préférables aux trous rectangulaires ou carrés. Les côtés du trou doivent recevoir un traitement de surface pour réduire les variations de la teneur en humidité et, par conséquent, le risque de fendage. Les réseaux de fluides qui passent au travers des trous doivent être isolés. Les structures extérieures ne doivent pas comporter de trous, à moins qu’ils soient pratiqués à un endroit ne présentant pas un risque de variation importante de la teneur en humidité. Une attention particulière doit être accordée aux éléments dont la forme géométrique elle-même induit une contrainte de traction perpendiculaire au fil, par exemple dans la zone de faîtage des poutres à double décroissance. Aucun trou ne doit être réalisé dans les éléments structuraux courbes (reins courbes de portiques et poutres bananes, par exemple). Des essais expérimentaux ont démontré que les dimensions des poutres trouées – comme dans le cas des poutres entaillées en extrémité et dans d’autres cas où la résistance est principalement limitée par une contrainte de traction perpendiculaire au fil –, ont une influence considérable sur leur résistance. Il convient donc de faire particulièrement attention au moment de réaliser des trous dans des éléments de grande taille. Étant donné que les contraintes de traction perpendiculaires au fil ne se situent pas uniquement à proximité du trou, il convient de faire preuve de prudence en cas de réalisation de trous multiples dans une poutre.

La conception de poutres trouées non renforcées est une tâche difficile. Malgré de récents efforts de recherche, il n’existe à l’heure actuelle aucune méthode de calcul pleinement reconnue et fiable reposant sur des principes mécaniques rigoureux et rationnels. L’Annexe Nationale allemande de l’Eurocode 5 (DIN EN 1995-1-1/NA) donne néanmoins des équations de dimensionnement pour les poutres trouées non renforcées. La méthode en question repose sur une analyse des contraintes élastiques linéaires et un modèle d’équilibre ; elle émane du travail présenté par Kolb et Epple (1985), qui a cependant fait l’objet de simplifications et de modifications empiriques au fil du temps. Si la réalisation de trous est inévitable, il est recommandé de renforcer la poutre en raison des incertitudes liées à la résistance et à la conception des poutres trouées. Les poutres trouées non renforcées ne peuvent être utilisées que pour les classes de service 1 et 2, alors que les poutres trouées correctement renforcées peuvent aussi servir pour la classe de service 3. Le renforcement des poutres trouées est abordé dans la Section 5.4.

Les règles relatives à la taille et à l’emplacement des trous sont énoncées dans le Tableau 5.2 selon la notation utilisée dans la Figure 5.5. Les trous dont le diamètre ou la longueur diagonale d ≤ 50 mm et hd ≤ 0,15 h peuvent être considérés comme une section résiduelle s’ils sont situés à proximité de l’axe neutre.

Tableau 5.2. Règles relatives à la taille et à l’emplacement des trous pour les poutres comportant des trous circulaires ou rectangulaires selon la norme DIN EN 1995-1-1/NA, à l’exception i) du rayon d’angle minimum du trou r et ii) de la profondeur du trou hd , la norme DIN EN 1995-1-1/NA indiquant que r ≥ 15 mm et hd ≤ 0,15 h. 

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Figure 5.5. Notation pour la conception d’une poutre comportant un trou rectangulaire ou circulaire.

Le critère de dimensionnement (5.7) est considéré comme une comparaison entre une contrainte de traction perpendiculaire au fil et la résistance correspondante, modifiée par un coefficient de hauteur de poutre empiriquement déterminé. Des contraintes de traction perpendiculaires au fil apparaissent des deux côtés du trou, à différents endroits selon le type de charge et la forme du trou. La Figure 5.6 indique à quels endroits sont susceptibles de se produire les plans de fissures en cas de trous circulaires ou rectangulaires. On suppose par ailleurs que la contrainte de traction est répartie de façon triangulaire le long de ces plans. L’amplitude de la contrainte de traction perpendiculaire au fil est déterminée par la résultante de sa force Ft,90, qui est quant à elle déterminée en fonction des contributions de la force de cisaillement et du moment de flexion. On suppose que la contribution Ft,90,V de la force de cisaillement V équivaut à l’intégrale des forces de cisaillement de la théorie des poutres du milieu de l’axe au potentiel plan de fissure d’une poutre comportant un trou situé au centre, comme illustré dans la Figure 5.6. La contribution Ft,90,M du moment de flexion M est empiriquement déterminée. 

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Figure 5.6. Emplacement des plans de fissures critiques en cas de trous rectangulaires ou circulaires ; les plans 1) et 2) concernent des trous situés dans une zone dominée par la force de cisaillement et les plans 1) et 3) sont pertinents lorsque l’action est dominée par un moment de flexion (positif).

Selon une notation légèrement modifiée par rapport à la norme DIN EN 1995-1-1/NA, le critère de dimensionnement est formulé comme une comparaison entre la contrainte de traction perpendiculaire au fil σt,90 et la résistance correspondante ft,90 conformément à

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et où, en cas de trous circulaires, hd peut être remplacé par 0,7 hd dans l’Éq. (5.8) et

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La longueur lt,90 de la contrainte de traction perpendiculaire au fil, qui est supposée être répartie de façon triangulaire, est donnée par :

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et la réduction de résistance liée à la hauteur de la poutre est donnée par :

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Outre les contraintes de traction perpendiculaires au fil, qui sont généralement les plus pertinentes pour le calcul, des concentrations de contraintes de cisaillement apparaissent également à proximité des trous, et notamment des trous rectangulaires. L’Annexe Nationale allemande de l’Eurocode 5 ne donne pas de recommandations explicites concernant cet aspect du calcul. En cas de trous rectangulaires néanmoins, la valeur maximale de la contrainte de cisaillement à l’angle d’un trou peut, selon Blaß & Bejtka (2003), être définie approximativement de la façon suivante :

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où κcorner correspond à l’augmentation de la contrainte de cisaillement maximale à partir de celle de la théorie des poutres (pour une poutre trouée). La contrainte de cisaillement exacte est étroitement liée au rayon d’angle du trou, à savoir que plus le rayon d’angle est petit, plus la contrainte de cisaillement maximale est élevée. L’approximation basée sur l’Éq. (5.14) peut donner des valeurs non conservatrices pour certaines géométries et configurations de charges.

Il convient par ailleurs de vérifier la résistance relative à la contrainte normale parallèle au fil σ0, induite par le moment de flexion M (et, éventuellement, par l’effort normal N) de la section résiduelle. Dans le cas des trous rectangulaires, il convient de prendre en compte la contrainte de flexion additionnelle dans les parties supérieure et inférieure de la section résiduelle par rapport aux forces de cisaillement Vo et Vu et au bras de levier a/2 (cf. Figure 5.7).

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Figure 5.7. Contrainte normale parallèle au fil pour une poutre trouée.

5.3. RENFORCEMENT DES POUTRES PERCEES

Les poutres trouées doivent généralement être renforcées, car la réalisation d’un trou entraîne une réduction considérable de la résistance de la poutre et les recommandations conceptuelles relatives aux poutres trouées non renforcées ont trait aux incertitudes. La section ci-dessous présente les recommandations conceptuelles relatives au renforcement des poutres trouées, en fonction de l’approche développée dans l’Annexe Nationale allemande de l’Eurocode 5 (DIN EN 1995-1-1/NA). Le principe de conception est le même que celui applicable au renforcement des poutres entaillées en extrémité présentée dans la Section 5.2 ; le renforcement doit être conçu de façon à résister à la résultante des contraintes de traction perpendiculaire au fil au niveau d’un potentiel plan de fissure, alors que la résistance perpendiculaire au fil de la poutre n’est pas prise en compte. La force de traction perpendiculaire au fil Ft,90 peut être approximativement définie conformément à l’Éq. (5.8) et les potentiels plans de fissures sont supposés être situés conformément à la Figure 5.6. Les règles relatives à la taille et à l’emplacement des trous pour une poutre trouée renforcée sont énoncées dans le Tableau 5.3, selon la notation utilisée dans la Figure 5.5. 

Tableau 5.3. Règles relatives à la taille et à l’emplacement des trous pour une poutre comportant un trou circulaire ou rectangulaire renforcé selon la norme DIN EN 1995-1- 1/NA, à l’exception i) du rayon d’angle minimum du trou r et ii) de la profondeur du trou hd pour le renforcement interne, la norme DIN EN 1995-1-1/NA indiquant que r ≥ 15 mm et hd ≤ 0,30 h. 

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5.3.1. Renforcement interne des poutres percées

Le renforcement interne peut prendre la forme de goujons filetés collés, de barres d’armature en béton collées ou de vis entièrement filetées. La poutre doit être renforcée en fonction des potentiels plans de fissures à prendre en compte pour le type de charge concerné conformément à la Figure 5.6. Concernant le renforcement interne des deux côtés du trou, il convient de vérifier que la contrainte τef dans le plan de collage, considérée comme étant répartie de façon uniforme, satisfait l’expression suivante : 

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Ft,90 correspond à la résultante des contraintes de traction perpendiculaire au fil, cf. (5.8)

n correspond au nombre de goujons, seule une file dans le sens longitudinal de la poutre pouvant être considérée comme active

dr correspond au diamètre extérieur de filetage, dr ≤ 20 mm

fk,1 correspond à la résistance au cisaillement du plan de collage, cf. Tableau 5.1 pour connaître les valeurs caractéristiques de fk,1,k

lad = hru ou hro pour les trous rectangulaires, cf. Figure 5.8

lad = hru + 0,15 hd ou hro + 0,15 hd pour les trous circulaires, cf. Figure 5.8

La résistance à la traction axiale des goujons doit également être vérifiée.

Seule une file de goujons métalliques dans le sens longitudinal de la poutre doit être considérée comme étant l’élément de renforcement. La longueur minimale de chaque goujon métallique est de 2lad et le diamètre extérieur de filetage est limité à dr ≤ 20 mm. Les distances de rive et l’espacement des éléments de renforcement interne doivent être tels que 3 dr ≤ a2 et 2,5 dr ≤ a3,c ≤ 4 dr et 2,5 dr ≤ a4,c selon la notation utilisée dans la Figure 5.8. Étant donné que la contrainte de traction perpendiculaire au fil se concentre largement à proximité du trou, la distance de rive a3,c doit être la plus faible possible tout en respectant la distance de rive minimale requise. Il est également possible d’utiliser des vis entièrement filetées comme éléments de renforcement interne ; elles doivent alors être conçues pour la force de traction Ft,90 concernant la résistance à l’arrachement et la résistance à la traction axiale.

En outre, les concentrations de contraintes de cisaillement aux angles du trou doivent également être prises en compte pour les poutres comportant un élément de renforcement interne et des trous rectangulaires (cf. Section 5.3). Il convient par ailleurs de vérifier la résistance relative à la contrainte normale dans le sens du fil de la section résiduelle au niveau du centre du trou (cf. Section 5.3).

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Figure 5.8. Notation relative au renforcement interne d’une poutre trouée ; plans de fissures à prendre en compte en cas de charge dominée par la force de cisaillement.

5.3.2. Renforcement externe des poutres percées

Le renforcement externe peut consister en des panneaux de LVL ou de contreplaqué. Il convient de vérifier que la contrainte τef dans le plan de collage, considérée comme étant répartie de façon uniforme, satisfait l’expression suivante :

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Ft,90 correspond à la résultante des contraintes de traction perpendiculaire au fil, cf. (5.8)

ar correspond à la longueur efficace des panneaux de renforcement, cf. Figure 5.9

had = h1 pour les trous rectangulaires, avec h1 conformément à la Figure 5.9

had = h1 + 0,15 hd pour les trous circulaires, avec h1 et hd conformément à la Figure 5.9

fk,2 correspond à la résistance au cisaillement du plan de collage. Selon la norme DIN EN 1995:1-1-1/NA, la valeur caractéristique de fk,2,k est de 0,75 MPa pour les systèmes de colle qui se sont avérés applicables.

La contrainte de traction σt des panneaux collés à l’élément doit satisfaire l’expression suivante : 

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Ft,90 correspond à la résultante des contraintes de traction perpendiculaire au fil, cf. (5.8)

tr correspond à l’épaisseur d’un panneau de renforcement, cf. Figure 5.9

ar correspond à la longueur efficace des panneaux de renforcement, cf. Figure 5.9

ft correspond à la résistance à la traction du panneau de renforcement dans la direction de Ft,90 

kk correspond à un coefficient qui tient compte de la répartition non uniforme des contraintes. Selon la norme DIN EN 1995:1-1-1/NA, kk peut être égal à 2,0 sans qu’aucune autre vérification ne soit requise.

Les panneaux de renforcement doivent être collés à l’élément conformément à la Figure 5.9, la taille des panneaux étant limitée comme suit : 0,25 a ≤ ar ≤ 0,3 (hd + h) et h1 ≥ 0,25 a. L’épaisseur tr des panneaux doit être d’au moins de 10 mm. Il convient d’assurer une pression suffisante au moment du collage, à l’aide par exemple de pointes ou de vis filetées selon une longueur d’ancrage et un espacement appropriés.

Il convient par ailleurs de vérifier la résistance relative à la contrainte normale dans le sens du fil de la section résiduelle au niveau du centre du trou (cf. Section 5.3). La résistance relative aux concentrations de contraintes de cisaillement aux angles du trou peut cependant être estimée suffisante lorsqu’un élément de renforcement externe conçu conformément aux précédentes recommandations est utilisé. 

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Figure 5.9. Notation relative au renforcement externe d’une poutre trouée.